Février 2023 : Le blog d'art contemporain AATONAU a dédié un article (en anglais) au travail de Thierry Farcy
« À visages découverts », exposition de Thierry Farcy du 7/07 au 16/09, Ville de Falaise.
La sincérité est je pense la plus belle chose que l’on puisse lire dans un travail plastique. Pas pour plaire mais bien pour exister en tant que tel. Un travail qui n’aurait pas vocation à séduire, ni à provoquer ou à décorer, mais qui synthétise la pensée élargie de l’artiste. C’est ce que l’on ressent devant le travail de Thierry Farcy.
Thierry est médecin, il s’intéresse au corps à ses mécanismes mais surtout à la tête dans ses créations. La tête humaine standardisée englobe alors tout ce que l’humain représente, son essence, sa trajectoire. Une sorte de décapitation interrogative, comme du vivant qui se demande comment il a pu devenir un objet puis un objet qui se demande comment il a pu devenir matière pure. Ainsi c’est une pensée qui se contracte devant les œuvres, qui s’arrondit face à l’esthétique de Thierry Farcy. Une esthétique toujours en tension, entre le sordide et l’éclat.
Ce parcours d’œuvres rassemblées dans trois lieux de la ville, débute dans l’enceinte du Château Guillaume le Conquérant où sont visibles trois grandes installations, créées pour l’exposition, qui offrent des perspectives inédites sur l’architecture médiévale. La première « À visages découverts » est un socle de parpaings surmonté de têtes en ciment côtoyant un jardin. Elle répond à une seconde œuvre qui fait face à un panorama sur la ville, « Rempart », dressant une nouvelle communauté de têtes émergeant de la masse. La troisième œuvre « Parvis » est un ensemble de dalles où figurent des morceaux de visage sectionnés. À la manière du sculpteur minimaliste Carl André, Thierry Farcy intègre la composition modulaire et la sculpture comme lieu. Car « Parvis » est une pièce praticable pour le spectateur qui peut marcher sur l’œuvre.
Cet ensemble de trois installations fait écho à l’architecture du château, dont on distingue les éléments de construction. Le matériau brut moderne dialogue avec la brutalité du temps qui redimensionne les paysages.
Au Musée André Lemaitre, Thierry Farcy présente des médiums plus traditionnels : la peinture et la sculpture en bronze. Une série de 19 toiles « monochromes » s’étire tel un grand nuancier de couleurs le long du mur de la galerie. Ces peintures sont des autoportraits qui lorsqu’on franchit la barrière de la surface colorée, laissent apparaitre un visage.
À l’intérieur du musée, parmi les toiles d’André Lemaitre, la série des « otages » se dresse sur un ensemble de socles. Des visages cette fois ci en bronze, réalisés pour l’exposition, qui ressemblent à des masques antiques éclatés, brisés ou fragmentés. Vestiges archéologiques contemporains ou témoins d’un futur dans lequel le visage humain subira sa propre chute, les sculptures cristallisent une fascination à la fois pour la fragilité mais surtout l’éternité de notre existence.
Le château de La Fresnaye concentre la majorité du travail de l’artiste et offre un cadre particulièrement intéressant pour faire dialoguer les matériaux. Le spectateur est accueilli par une autre sculpture extérieure composée de dalles assemblées, une sorte de passage vers le cœur de l’exposition. S’ouvre alors un cabinet de curiosités avec ses vitrines anciennes peuplées de visages sous toutes leurs formes. On y trouve la série des « Pierres à faces », où le ciment est taillé comme le diamant, et laisse apparaitre des surfaces lisses et brillantes. Les pièces de la seconde série « Rencontres oubliées », offrent quant à elles, une multitude de regards sur la forme de prédilection de Thierry Farcy. Tranchées, ciselées, cassées, elles semblent avoir perdu toute vie et sont devenues des objets admirables en vitrines, gardant les traces d’une violence artistique.
Les fonds des étagères sont tapissés de sable noir, un matériau que l’artiste utilise pour teinter le ciment, qui forme des dunes par endroits et symbolisent un contexte d’irréalité.
Au milieu du cabinet, un ensemble de cubes en ciment noirs et blancs d’où surgissent des têtes, forme un damier et ressemble à un jeu d’échecs où les figures seraient absorbées par leur plateau.
Au rez-de-chaussée, on retrouve deux cubes et une sphère, toujours agrémentés de visages qui trônent comme des objets familiers du château. La sphère, comme un boulet de canon décoratif, s’est stabilisée naturellement devant la fenêtre et vient capter la lumière naturelle. L’escalier se pare de deux installations sculpturales sur parpaings, un clin d’œil aux œuvres du château Guillaume Le Conquérant. Sur ces socles massifs, se dressent deux ensembles de têtes « Conversation » et « Les sans voix », qui semblent sortir ou au contraire rentrer à l’intérieur de leur support. Au tournant de cet escalier, le château prend des allures de lieu enchanté où les personnages seraient figés par quelconque sortilège. Un conte fantastique se dessine alors et les pièces semblent chuchoter leur histoire.
À l’étage, une série de dessins flotte sur le mur : les « anatomies improvisées » que l’artiste décrit comme des « dissections poétiques » et deux grandes installations « Entre nous 1 et 2 » se déploient dans deux salles parallèles. Comme les vestiges d’une cité en partie disparue, elles sont surmontées respectivement d’un oiseau et d’un renard naturalisés qui encore une fois, favorisent le récit imaginaire et merveilleux.
Une pièce attenante possède une cheminée d’où sortent des centaines de fragments de visages en terre cuite. Des morceaux calcinés qui fabriquent eux aussi une partie narrative de l’exposition, plus sombre et plus sordide. Deux photographies présentant des têtes de glace dans lesquels se reflètent des images d’architectures médiévales, semblent converser en évoquant des souvenirs, des reflets du passé.
Une dernière salle, qui servira tout l’été à célébrer des mariages, est ornée de quatre grands dessins de la série « Et moi… ». Chaque dessin met en lumière une partie de corps imaginaire, retravaillé par l’artiste à partir d’images médicales de certains de ses patients. On ne saurait alors dire si le médecin est un prolongement de l’artiste ou si c’est finalement le contraire.
Les dessins choisis de cette série, comme un ensemble de reliques, peuvent porter en eux des symboles de la vie et de l’existence humaine et se transformer en objets précieux dans cet espace où seront célébrées plusieurs unions. Le final est donc tourné vers le vivant, vers le souffle du dessin qui est souvent à l’origine de chaque pratique artistique, comme un retour aux sources.
L’exposition est conçue comme un voyage dans une temporalité lointaine. Du moyen-âge à l’antiquité en passant par le temps du conte fantastique et le cabinet de curiosités XVIIIe siècle, le travail de Thierry Farcy reste profondément contemporain car il s’inscrit dans une actualité esthétique de l’art à la fois futuriste et médiévale.
Il synthétise. Des masques mortuaires aux décapitations, aux brisures mentales qui sont les nôtres aujourd’hui : le visage humain a pris bien des formes au fil de notre histoire.
Comme un symbole permanent de notre humanité absurde, dense et fragile, qui s’interroge sur elle-même, qui se détruit mais qui continue encore et toujours d’émerger, les œuvres de Thierry Farcy abordent les grandes interrogations existentielles qui nous construisent et qui nous poussent à créer.
Mathilde Jouen, Docteur en Esthétique, Sciences et Technologies des Arts Juillet 2018
" La série de sculptures composant Le cabinet des hybrides ou des vanités fait écho aux cabinets de curiosités constitués au XVIIIe siècle, embryons des musées modernes, écrins de collections hétérogènes allant du vestige de l’Antiquité classique au spécimen naturalisé en provenance d’horizons lointains en passant par la pièce de machinerie contemporaine.
Les pièces de Thierry Farcy s’attachent à l’être humain réduit par synecdoque à son expression la plus pure : la tête, thème de prédilection de l’artiste depuis les années 1990. Mettant en œuvre des techniques et media variés, les œuvres présentent une humanité à l’état de vestige exposée comme le souvenir d’exploration de terres inconnues par l’emploi des tablettes et des globes de verre.
Le traitement des visages associant des surfaces brutes et taillées rappellent la statuaire antique en marbre, bronze ou céramique ? tantôt buste funéraire égyptien, tantôt masque de théâtre tragi-comique gréco-romain ? la découverte archéologique. La patine sur d’autres productions suggère les ossements fossilisés des premiers hommes. Il n’y a cependant aucune référence apparente permettant un ancrage dans le temps et l’espace ; nous sommes face à un passé imaginaire ou à une projection utopique.
Cette ambiguïté est soutenue par les transformations subies par la matière. Des traits apparaissent dans des blocs partiellement sculptés, des têtes sont découpées et recomposées ou fragmentées et réassemblées sans que l’on puisse déterminer s’il s’agit d’une apparition, d’une matérialisation incomplète, ou d’une dislocation engendrée par les altérations du temps. L’humain n’en demeure pas moins un sujet d’étude, décortiqué presque chirurgicalement.
La tonalité grave, ou à tout le moins étrange, qui se dégage de ces œuvres est contrebalancée par l’inclusion de jouets en forme d’animaux et d’insectes, éléments déconcertants et décalés des Rencontres oubliées. Pleine d’humour et d’ironie, cette série nous interroge sur notre rapport à la mort et à la nature et sur notre place dans la chaine du vivant. Les rôles paraissent inversés et l’Homme devient la curiosité du règne animal.
Les pierres à faces renvoient quant à elles à l’univers minéral. Le diamant d’Alençon, appellation aujourd’hui rejetée pour désigner un quartz fumé présent sur dans le substrat ornais, a servi d’inspiration à Thierry Farcy. La matière est montrée dans tous ses états, du plus brut au plus poli, rend hommage au travail de la pierre, véhicule le message de la préciosité et de la fragilité de la vie.
Les assemblages tridimensionnels de Thierry Farcy forment une architecture en suspens entre construction et déconstruction, entre fondation et ruine, dont les modules peuvent se combiner à l’infini pour offrir une image sans cesse en mouvement. Les installations Entre nous et Alliances peuvent se lire comme un état archéologique de nos sociétés, une vision stratigraphique instable de l’histoire humaine, dans lesquels les têtes anonymes, parfois réduites à quelques traces ou empreintes, sont autant de tranches de vie révélées. Elles symbolisent également l’aspiration de l’homme à s’élever tout en s’appuyant sur son passé. Composition génomique marque l’inclinaison de Thierry Farcy pour les sciences de la vie et plus particulièrement l’apparition du vivant. La combinaison de têtes fragmentées forme une chaîne d’ADN métaphorique, comme une architecture génétique évolutive des créatures terrestres."
Johanna ALLOUCH
Conservateur du patrimoine
2015
"Le monde du vivant et les origines de la vie sur terre constituent un autre thème de prédilection de Thierry Farcy. Pour la série Anatomies improvisées, l’artiste explique : « il est question [?] de dissections poétiques ». Ainsi, les œuvres s’appréhendent comme des planches anatomiques de petites entités hybrides indéfinissables, empruntant à l’humain et à l’animal, au végétal et au minéral. Le dessin incisif confère une impression de vie aux éléments inertes et semble capturer un état de la matière en évolution. La précision du trait rappelle la tradition classique de l’écorché. Dans la série Et moi ?, le caractère monumental des dessins bouleverse la perception des formes tératogènes. Les différences d’échelle trouvent une résonance dans l’imagerie médicale et ce référentiel renforce l’illusion de réalité de ces créatures chimériques. L’ensemble fait écho à une galerie d’anatomie comparée au sein de laquelle les planches faussement naturalistes tendraient à retracer l’évolution des espèces."
Johanna ALLOUCH
Conservateur du patrimoine
2015
" Thierry Farcy vit et travaille à Caen, où, après des études de médecine et aux Beaux-arts, il relie ses deux formations dans une œuvre fondée sur l’exploration du corps humain. Ses énigmatiques têtes de ciments, mutiques, comme autant de visages clonés, viennent coloniser l’omniprésence des bustes de la collection permanente du Musée Saint Raymond. A l’opposé de ceux-ci, dûment identifiés par un travail d’historiens et d’archéologues, elles ne déclinent aucune autre identité qu’une appartenance à l’espèce humaine, gardant avec elles un mystère plus profond que les vestiges aux origines résolues, comme des traces d’une époque trop lointaine pour être identifiées."
SAMUEL PIVO
Thierry Farcy à la Galerie Hélène LAMARQUE
L'actualité médiatique des neurosciences nous rappelle encore et toujours la lancinante question de notre humanité, de notre destin humain.
Cette interrogation, le plasticien mais aussi médecin Thierry Farcy l'a thématisée il y a 4 ans déjà : en effet en 2001, il avait créé une première série d'installations à partir d'un ensemble d'une centaine de têtes d'homme en béton de 25 cm de hauteur, toujours posées à même le sol et présentées à la foire art event de Lille en novembre 2004 (voir journal Nord Eclair).
Ces têtes brutes, placées en rang et selon une forme plus ou moins libre, sont perçues, du haut des yeux du spectateur, comme un pavé de boîtes crâniennes, rappelant ainsi soit l'armée légendaire de l'empereur chinois Quin Shi Huangdi, excavée dans les années 80, soit les premières inhumations mésolithiques, sorte de nids de crânes,ou encore les rangées de crânes des cimetières de l'époque baroque. Ces installations seraient alors un des traitements actuels du thème de la Vanité. Le destin égalitaire de l'homme, sa mort inéluctable donc naturelle, est alors effectivement « l'œuvre de nature » comme le suggère ce même titre donné par l'artiste à cette installation. L'ambivalence du titre ne s'arrête pas là : à l'instar de Pollock qui proclamait « I am nature », Farcy exprime ainsi sa profession de foi en abandonnant la traditionnelle antinomie art(iste) / nature et en adoptant le principe de création « natura naturans » cher au romantisme allemand des frères Schlegel.
Dans l'installation « Intra Muros » présentée aujourd'hui à Paris apparaissent, telles des pépites, des inclusions de têtes d'homme dans des blocs de ciment, qui sont par la régularité de leur taille certes artificiels mais disposés sans ordre préétabli, si ce n'est que par la volonté de créer des contrastes entre les surfaces et les teintes du béton. Cette mimésis géologique confère à l'œuvre une dimension intemporelle qui se réfère ainsi encore au principe de création « natura naturans ». L'arrangement spatial semi-irrégulier et en masse de ces blocs, renforce la perception pluridirectionnelle des têtes dans un effet étourdissant et tient de la quête architecturale.
Cette installation est une méta-sculpture : en effet, des têtes sculptées, figées dans du béton lui même débité à la scie en blocs et dalles de taille identique, se trouvent alors, par le procédé de la découpe, réduites à deux dimensions, la troisième étant récupérée par l'empilement des blocs en murets, si bien que les images bidimensionnelles des têtes ont le fonctionnement tridimensionnel des « wall drawings » de Sol LeWitt.
Ce jeu de destruction-reconstruction des dimensions, fondement même de la sculpture n'est pourtant pas gratuit : il figure de manière sereine le fameux impératif créatif de la renaissance spirituelle « Stirb und werde ! » de Goethe, l'éternel retour à la vie.
Hélène LAMARQUE
www.galeriehelenelamarque.com
The ubiquity of neuroscience and biotechnology in today's media continually reminds us of the haunting questions of our own humanity, and of our human destiny.
Thierry Farcy, an artist as well as a medical doctor, created the first of a series of installations addressing these questions thematically in 2001. The work, exhibited in November 2004 at the “Art Event” exposition in Lille (see article in the Nord Eclair newspaper), consists of about one hundred concrete human heads, 25 cm in height, arranged on the ground.
The heads, of a rough and unfinished texture, are arranged in rows more or less freely. From the eye level of the viewer, they appear as a sort of pavement of skulls. The work brings to mind several associations: the legendary stone army of the Chinese emperor Quin Shi Huangdi, excavated in the 1980s; the first human interments of the Mesolithic period, which seem a sort of nest of skulls; and the arrangements of skulls in cemeteries of the baroque era. Farcy's installations are, as well, contemporary treatments on the Vanity theme. The title of the piece, “l'œuvre de nature,” suggests the destiny shared by all humanity, death, which is unavoidable and thus natural. The title also has further connotations: like Pollock, who proclaimed, “I am nature,” Farcy's artistic philosophy is expressed in an abandonment of the traditional binary opposition of artist/nature, and in an adoption of the “natura naturans” creative principle embraced by the Schlegel brothers' German romanticism.
Farcy's installation piece “Intra Muros” , is currently on exhibit in Paris. In this work, inclusions of human heads appear, like mineral ores, in blocks of cement. The regularity of their size shows their artificiality, but they are scattered throughout the stone with no other order than that of creating contrasts between the textures and colors of the concrete. This geological mimesis gives the work a dimension of timelessness, which again recalls the principle of “natura naturans.” The spatial arrangement of the blocks, irregular and en masse, reinforces the multidirectional perception of the heads. The overall effect is striking and shows a tendency towards the architectural.
The installation is a meta-sculpture. The sculpted heads, petrified in concrete that is sawed into identically sized blocks and slabs, are, through this process, reduced into two dimensions. The third dimension is then recaptured by the stacking of the blocks into walls, so that the two dimensional images of the heads have the three dimensional function of Sol LeWitt's “wall drawings.”
This game of destruction-reconstruction of dimensions, a fundamental element even in traditional sculpture, isn't arbitrary: it serenely represents Goethe's famous creative imperative of the spiritual renaissance, “Stirb und werde !”, the eternal return to life.
Thierry Farcy : L'oeuvre de Nature
L'artiste est revenu de l'abîme, miroir sans fond où Narcisse contemple jusqu'à la mort son visage parfait mais tragiquement inhumain.
Le visage vidé d'être s'est empli de matière, l'artiste a retrouvé l'oeuvre de Nature et multiplie aujourd'hui à l'infini ces visages humains chaque fois déformés par l'aléa naturel ; la bosse ou le regard de travers, ce défaut rassurant qui rend l'être unique.
Mais la frontière si ténue entre le normal et l'anormal le beau et le laid, sera vite franchie car le visage a quitté l'os et la chair éphémères pour la matière dure et pérenne.
La marque irrévocable du temps fige pour toujours ces êtres issus du même moule mais si différents dans leur vertigineuse ressemblance, pétrifiés dans leur expression de vie : ce regard fixe et vide mais toutefois "étrange et pénétrant" comme les yeux d'une armée de soldats enterrés que l'artiste aurait exhumée de l'outre rive de la vie.
The artist has returned from the abyss, the bottomless mirror where Narcissus contemplated to the death his perfect, but tragically inhuman, face.
The face, emptied of being, has filled itself with matter. The artist has rediscovered the work of nature and now he multiplies these human faces to infinity, each one naturally deformed by random chance. A bump or a lazy eye, these reassuring defects are what render the being unique.
But the thin border between the normal and the abnormal, the beautiful and the ugly, will soon be crossed, because the face has quit the ephemeral flesh and bone for hard and enduring materials.
The irrevocable mark of time freezes these beings for all of time. They are issued from the same mold and yet are so different in their vertiginous resemblance, petrified in their expression of life: their gaze fixed and empty, yet at the same time “strange and penetrating,” like the eyes of a buried army of soldiers that the artist might well have exhumed from the other side.
Dominique DIARD,
Maître de conférence à l'Université de Caen.
Thierry Farcy : 46 XY, Narcisse dans l'abîme
Le visage qui hantait l'artiste est revenu de l'informe, s'est incarné en une suite de têtes génériques, sans âge et sans expression, dont la pureté lisse et l'absolue neutralité réduisent l'être humain à l'épure, au clone d'homme multiplié à l'infini en une multitude impénétrable.
Face à l'angoisse de l'homme créé par l'homme, de la copie humaine reproduite en séries, le peintre est devenu sculpteur pour modeler jusqu'au vertige cet homme uniforme ; l'être qui n'est pas, le plus grand écueil pour l'artiste.
Car le fantasme est passé ou réel, la science fiction n'est plus, il est à présent possible de cloner l'homme, d'oublier l'autre, l'étranger, celui que nous ne sommes pas, pour un homme identique, inauthentique et univoque.
Thierry Farcy nous livre son refus de cet homme-là, privé d'imaginaire et dont les dieux seraient morts ; Narcisse dans l'abîme.
The face that has haunted the artist has returned from formlessness, incarnated in a series of generic heads, ageless and expressionless, whose smooth purity and absolute neutrality reduce the human being to the essential, to the human clone multiplied infinitely in an impenetrable multitude.
Faced with the agony of humanity created by humanity, of the human copy reproduced in series, the painter has become a sculptor to model this uniform man to the point of vertigo; the being who is not, the greatest stumbling block for the artist.
As fantasy has become reality, and science fiction no longer exists, it is now possible to clone human beings, to forget the other, the stranger, that which we are not, for an identical being, inauthentic and unequivocal.
Thierry Farcy shows us his refusal of that man, no longer imaginary, who will cause the death of the gods; Narcissus in the abyss.
Dominique DIARD,
Maître de conférence à l'Université de Caen.